De plus en plus, que ce soit dans le logiciel privateur ou logiciel libre ou encore dans l’associatif, lorsque le projet a une portée internationale on ne peut pas s’empêcher de voir le contenu rédiger en anglais ou bien voir de la com’ en anglais. Et moi ça me mine.
Au-delà du fait que je ne sois pas anglophone, je comprend l’anglais grosso-merdo, mais je ne suis pas bilingue en anglais. Au-delà du fait d’être attaché à ma langue natale, je suis triste de voir ce qu’est devenu le web entre autre.
Vous vous souvenez, je vous avais parlé que j’avais connu les débuts d’internet il y a quelques années, au tout début nous ne pouvions discuter qu’entre français et très rapidement au reste de l’Europe, Belges, Allemands, Espagnols, Italiens etc. Et lorsque l’on était sur des forums en .FR on parlait Français. Lorsque c’était un .COM ou .NET ou je ne sait plus trop les noms de domaines de l’époque, on regardait la langue principale du forum et on parlait, du moins on essayait de parler sa langue.
Sur un forum allemand, on baragouinait en allemand, idem pour les forums espagnols, on se tentait avec des « ¡ Holà ! », à l’inverse les allemands tentait des phrases en français sur les forums francophones.
Le nom de domaine était la clef de la langue du site, mais malgré l’arrivée des traducteurs comme Google Translate ou encore DeepL, on s’était dit que ce serait vraiment génial, tout le monde se mettrait à traduire aisément afin d’écrire dans la langue concernée. Sur un forum Francophone on pouvait imaginer qu’un Allemand traduise son texte en Français pour respecter les usagers du .FR ! Mais que nenni ! La pseudo norme est devenue un tout anglais et démerde-toi pour traduire dans ta langue et réécrit en Anglais.
L’Anglais n’est pas international !
Tout anglicier ne créer qu’un seul effet, celui de diviser encore plus celles et ceux qui parlent ou lisent aisément l’anglais et… les autres.
Que l’informatique se base sur des termes Anglais, ok, c’est mieux pour une uniformisation des processus de codes, mais pas pour la communication.
À la rigueur, qu’une documentation pour un logiciel libre soit rédigé en Anglais puis traduit par des volontaires, est compréhensible.
Cependant, les blogs, les forums ou les GitHub et autres lieux de communautés non.
Qu’il y ait du multi-langage ce n’est pas problématique, mais une langue unique, c’est gênant et excluant, pire c’est ce que l’on pourrait nommer de la e-colonisation ou plus généralement, de la colonisation linguistique.
Si l’on n’a pas eu la chance de pouvoir apprendre correctement l’anglais — comme c’est malheureusement mon cas — ou que nos origines ou même notre milieu social ne nous permettent pas de maîtriser l’Anglais, alors on est exclu.
À mon sens c’est grave car les forums, pour ne prendre que cet exemple, ne sont qu’un lieu d’apprentissage et d’échange de connaissances, donc on en vient à faire le tri entre celles et ceux qui ont la capacité psychique d’échanger ou la capacité matériel et financière de le faire.
L’anglais partout, ce n’est pas une fatalité technique, c’est un choix social. L’anglais n’a pas colonisé le web parce qu’il était plus simple, non, mais seulement parce qu’il était la langue des puissances dominantes du numérique, ce qui en fait une sacré nuance.
– L’anglais n’est pas international, il est impérial. –
C’est la langue de celles et ceux qui fabriquent les outils, fixent les règles, décident des standards.
Nous, les autres, on s’adapte, on traduit, on reformule, on demande la permission de comprendre.
Et quand on écrit dans notre langue, on nous dit qu’on se ferme au monde.
Mais le monde n’est pas unifié par la langue dominante — il est appauvri par elle.
Et dans l’informatique, ou simplement sur le web en général, c’est visible mais c’est quasiment devenu banal et c’est là qu’est le piège. La banalité comme référence, une forme de renoncement.
L’anglais s’est imposé sur le web comme Windows sur les ordinateurs : par défaut.
Et quand c’est “par défaut”, on ne le remet plus en question.
On s’y habitue.
Et c’est justement là que la résistance doit commencer : dans le refus du réflexe, dans le simple fait de dire “non, ici on parle notre langue, et c’est très bien comme ça”.
Je ne dis pas qu’il faut rejeter l’anglais. Je dis qu’il faut cesser de se soumettre à lui. Parce que dans cette soumission tranquille, il y a quelque chose de plus profond : une habitude à penser que ce qui vient d’ailleurs est mieux, plus propre, plus moderne. Et dans cette France que l’on connaît bien colonisatrice à avoir refuser le Breton, l’Occitan, le Créole et j’en passe, on connaît bien cette colonisation linguistique, et là, on devrait baisser les bras, baisser les yeux, se laisse assouvir par du tout anglais ? Pour quelles raisons ? Nan, je veux dire, pour quelles raisons valables ? – AUCUNE.
Quand on efface les langues, on efface aussi les nuances, les accents, les façons de penser, on efface la mixité sociale, on efface le fait que tout le monde est différent et que cette différence fait la force de notre monde.
Une idée exprimée en anglais n’a pas la même force, la même intention par fois qu’en français, qu’en arabe, qu’en japonais ou qu’en créole par exemple.
Laisser le web comme ça, fait qu’il a perdu une partie de son âme. Parler sa langue c’est aussi une ouverture aux autres, dire « je suis différent·e, toi aussi, alors apprenons l’un·e de l’autre ! », parler sa langue c’est juste une forme de résistance pour maintenir cette mixité dont le monde a besoin. Et si chacun·e faisait ce geste, même minime, le web ressemblerait un peu plus à l’humanité qu’il prétend représenter.
L’universalité, ce n’est pas parler tous la même langue et encore moins toutes et tous parler uniquement l’anglais. L’universalité c’est accepter que le monde résonne dans une multitude de voix et c’est ça, la vraie internationalisation.
Un internet sans diversité linguistique, c’est un internet sans diversité de pensée, et sans pensée, il ne reste plus qu’un marché à la solde du capitalisme, oui, tout le monde parle anglais, c’est simplifié, c’est « normal » alors ça va plus vite, c’est bien plus rentable, c’est purement du capitalisme.
L’uniformisation linguistique, c’est aussi une histoire d’argent.
Parler anglais, c’est accéder aux conférences, aux manuels, aux offres d’emploi les mieux payées.
Ne pas le parler, c’est être condamné·e à rester “local”, à ne pas mériter la même considération.
Le langage devient un filtre social, un tri automatique entre ceux qui peuvent monter et ceux qui doivent se taire. Et ça, c’est de la pauvrophobie culturelle : déguisée, invisible, mais bien réelle.
Le capitalisme adore ça, parce qu’il transforme même la langue en outil de sélection.
Et dans le fond, ce n’est pas qu’une question de mots.
-> C’est une question de pouvoir.
Celui de faire taire, doucement, sans violence apparente.
Quand une langue s’impose partout, elle efface les autres — pas parce qu’elle est meilleure, mais parce qu’elle a les moyens d’être entendue.
Et à force de l’entendre, on finit par croire qu’elle est naturelle.
C’est ça, la vraie réussite du capitalisme : nous faire confondre la domination avec l’évidence.
Ah et un dernier truc et après j’arrête de râler, ce qui m’exaspère, aussi ce sont des projets (dont je tairais leurs noms) par exemple français, faits par des francophones, et sur leurs propres outils, faut parler anglais.
Tu fais une demande d’aide en français ? On te dit de recommencer en anglais. Euh ?! Vous n’avez pas d’outils de traduction ? Vous prenez les autres pour des débiles ?
Des sites capables de coder des trucs incroyablement complexes et fonctionnels, mais pas foutus de détecter la putain de langue du navigateur ! C’est la base quand ton logiciel est multilingue ! Ça paraît anodin, mais ça dit tout. Dans le libre, on préfère le fonctionnel à l’humain et à l’UI/UX.
Déso ou pas déso, mais souvent, ça donne une impression d’arriéré. Je sais pas si c’est volontaire,
mais si ça l’est, il n’y a aucune raison valable. — Aucune —
L’uniformité, c’est pratique pour le marché. La diversité, elle, demande du temps, du respect, de la place. Et tout ça, le capital n’en veut pas. Parler sa langue, c’est juste refuser d’être rentable. Alors ouais, quand j’écris en français, c’est politique. C’est dire : “je vous emmerde, je suis encore là.” !